Retour à Askant

Armand galopais à vive allure. Il fermait les yeux, tentant de se vider la tête. Il se concentrait sur le bruit des sabots. Tagada. Tagada. Tagada. Les fers claquaient sur le sol pavé avec la cadence rythmée d’un métronome. Le jeune homme laissa échapper un léger soupire las. Vrael secoua la tête. Il était nerveux, lui aussi. Il était tellement sur le mors que son menton touchait son poitrail. De la sueur blanche coulait le long de l’encolure. L’étalon donna une légère ruade. Armand ouvrit les yeux, revenant à la réalité. Il était enfin arrivé à Askant. Ces grands remparts, si hauts. Gardés continuellement. Il tira légèrement sur les rênes, passant au pas. Il arriva vers les gardes, qui s’approchèrent de lui. Un d’eux ouvrit de grands yeux.

-Armand !C’est toi ? Bien sûr, quelle question ! Bon, tu sais, on s’est fait un sang d’encre, quand tu es parti comme ça…En tout cas, heureusement, tu es vivant. On pensait que tu allais peut-être aussi être tué comme…

Mais il ne continua pas sa phrase, interrompu par le regard glacial d’Armand. Le garde bafouilla légèrement, puis dit d’une voix un peu tremblante :

-Hem…Alors…On a pas retouché à ta demeure, depuis que tu es parti. Tu sais, tout ça t’appartiens ! Et…

Mais le jeune homme était déjà loin. Un peu plus tard, il arriva devant l’immense manoir, qui ressemblait plutôt à un château. Il fit un léger détour, dans le jardin, qui ressemblait plutôt à un parc. Il se dirigea vers le caveau familial. Il entra. Il y avait plein de cercueils d’ébène, de croix en marbre noir ou blanc,…Au milieu de la pièce se trouvait un cercueil en verre. Il y avait un femme superbe, à la longue chevelure noire. Sa peau était blanche, les lèvres avaient gardé leur carmin vivant. Elle telle qu’il y avait quatre ans, quand il l’avait étranglée. Pandora, sa mère adoptive. Conformément à ses demander, on l’avait enchantée, de manière à ce qu’elle ne présente jamais un signe de mort. Le corps restera parfaitement conservé à jamais…il soupira, admirant le visage de Pandora. Il lui parla longtemps, voilà juste la fin de la conversation :

- Ma chère mère…Je suis tellement désolé, et pourtant…Pourtant…C’est le plus beau de tout mes meurtres, le plus intense. Ah ! Que vous étiez belle, m’ordonnant, d’accomplir mon contrat ! Votre tête rejetée en arrière, vos yeux fixés sur le plafond, un léger sourire sur vos lèvres. Quand mes mains ont enserré votre gorge…Je ne puis hélas décrire ce que je ressentais. Et puis, vous vous êtes effondrée lentement, dans mes bras, morte. Vous n’aviez jamais été aussi magnifique qu’en cet instant. Non, je ne regrette rien pour finir. Je voudrais juste que vous soyez encore vivante. Même si je vous ai tuée. Justement. Je vous veux morte et vivante à la fois…Que dis-je ? Je deviens fou, ma fois…Je vous laisse là, sinon je crains que je prenne mon épée et que je ne vienne vous rejoindre de suite…

Sa gorge s’était nouée. Sa voix était rauque. D’un coté, c’était bien. Ça prouvait qu’il avait eu raison de revenir. Mais c’était dommage qu’il ait eu besoin de revenir ici pour éprouver l’ombre d’un sentiment…Il sortit. Il dessella Vrael et se dirigea vers la porte d’entrée de sa maison. Il regarda l’édifice, nostalgiquement. Et dire que tout ça lui appartenait. Il entra, suivi de son cheval qui le suivait de près. Il faisait sombre, mais de la lumière filtrait des hautes fenêtres. Il traversa l’énorme hall et monta les escaliers, toujours Vrael suivant derrière, certes un peu maladroitement, les oreilles couchées ; c’était compliqué pour lui de monter des marches. Peu à peu, ils arrivèrent, dans un couloir où un énorme tableau de Pandora. Armand le poussa légèrement de coté, dévoilant une porte. Il la poussa et entra dans la pièce sombre. Il avança et se baissa, attrapant un objet qui traînait par terre. Il sortit et le mit à la lumière. C’était une coupe en or, sublime. Incrustée de pierres précieuses, qui étincelaient. Armand alla remettre l’objet dans la pièce et sortit, remettant le tableau en place. Il était rassuré, personne n’avait touché à ces trésors. Il se dirigea vers le salon et s’assit sur un fauteuil, la tête levée vers le plafond. Il y avait quelques toiles d’araignée, le lustre avait perdu de son éclat. Mais tout était aussi superbe qu’avant. Vrael se coucha à ses pieds, comme l’aurait fait un chien.

-ça fait déjà quatre ans, hein Vrael ?C’est tellement étrange de revenir ici…Tout est comme dans les souvenirs, en plus poussiéreux. Faudra-t-il que j’engage à nouveau des personnes ?Combien de temps resterons-nous ici ?

Tant de questions auxquelles lui seul pouvait y répondre. Les pensées sombres, il somnola. Il ouvrit les yeux quelques heures plus tard. Il était à présent vers les midi. Il se leva du fauteuil, et se dirigea vers la porte d’entrée. Il allait ouvrir quand apparut une dame blonde. Armand fronça les sourcils. Qui était-ce ? La mémoire lui revint vite…

-Armand ! Te voilà enfin ! ça fait quatre ans que j’attends ça ! Si tu savais comme j’étais triste que tu partes comme ça, tout seul, dans l’inconnu ! Mais dis moi, ça à l’air d’aller bien ! Oui, tu es encore plus beau qu’avant. Et…Non ! Vrael est encore avec toi ?! Ohlala, quel manque d’hygiène ! Laisse pas entrer cette sale bestiole dans cette maison, c’est indécent ! Il y a des écurie, pour les chevaux !Beuh ! En tout cas je suis déééésolée de ne venir que maintenant, mais je ne savais pas ! Je viens de croiser le garde, et il m’a dit que tu étais de retour ! Comment ça se fait, d’ailleurs ? Pourquoi es-tu parti ? Dis moi pas que c’est la mort de cette chère Pandora qui t’as affecté à ce point ? C’est bien dommage pour la pauvre, assassinée ! Franchement, qu’est-ce que la vie est dure ! En plus, ta mère était si belle ! Pourquoi c’est toujours les belles personnes qui meurent en premier ? Oh mon dieu ! ça veut dire que…moi je vais mourir rapidement ?!

Armand était effaré. oh non...Pas elle…Tout le monde, sauf elle. C’était une fille d’une autre noble famille d’Askant. Elle avait la langue bien pendue. On aimerait justement la pendre par la langue…Quelle personne exaspérante...Elle s'était mise en tête, on ne sait comment, qu'Armand l'aimait...Ce qui était loin d'être le cas. Et voilà qu’elle s’en prenait à Vrael, qu'elle traitait de sale bestiole. Et là voila qui rappelait la mort de Pandora…Le jeune homme dit clairement :

-Si les belles personnes meurent en premier, alors, ne t'inquiète pas, tu vivras éternellement...

-Qu’insinues-tu par là, Armand !!?

-Que tu es loin, mais alors très loin, d’être belle. Je te demande donc de soulager mes yeux en partant très loin hors de ma vue. Et tout de suite.

Elle ouvrit une bouche béante. Il lui claqua la porte au nez. Il la vit partir d’un pas indigné. Ouf. Débarrassée d’elle, enfin. Pour un bout de temps, sans doute. Il se tourna vers son cheval, caressant l’encolure noire, remettant en place la crinière couleur neige.

- En voila une bonne chose de faite...Si nous allions nous balader?

Le cheval acquisea d'un léger signe de tête. Ils sortirent et Armand sauta sur Vrael souplement, sans s’encombrer du moindre harnachement. Tout en traversant Askant, il vit des personne se retourner et le regarder. Certains murmuraient des choses qui resterons inconnues à son oreille. D’autres se contentaient de rire, ou de froncer les sourcils. Certains virent vers lui pour lui parler. On s'étonnait qu'il soit de retour, on le mettait au courant de dernières nouvelles qui ne l'interressaient pas. Presque tous ces gens avaient un visage connu. A croire que toutes les personnes qu’il avait connu n’avaient, eux, pas bougé…

Ashal marchait dans la rue, visière baissé pour qu'on ne le reconnaisse pas, tenant son cheval par la longe. Il avait dit à son hôte qu'ils se retrouveraient au Sud d'Askant. Ashal devait partir d'Askant quelques temps, il n'avait pas envie d'être la cause de la mort d'autres personnes (ceux qui l'attaquerait...).
Il était donc là entrain de partir d'Askant. Non, de fuir la ville pour éviter d’autres bains de sang. Tout ne s'était pas passé comme il l'aurait souhaité, néanmoins, la discutions avec l'ecclésiastique lui avait ouvert d'autre possibilité. Ashal aimerait pouvoir intégrer les rangs d'un de ses ordres religieux. A vrai dire, cela ne changerait rien à ses convictions et manières, mais il trouvait que cela lui permettrait de servir encore plus Fael'Nir et Jayel, bref, de leur consacrer sa vie.

Ashal se dirigeai vers la porte ouest, afin de continuer ensuite son périple vers le point de rendez-vous (Histoire de mettre ses ennemis sur une fausse piste s'ils le suivait). Il avançait dans la rue, indifférent aux autres, regardant seulement où il se dirigeait. Pour une fois, il avait gardé son épée au côté et son bouclier à son bras... Il ne craignait pas vraiment de mauvaises rencontres, mais il préférait rester prudent après l'épisode de la veille...

Cela faisait bien une demi-heure qu'il marchait, il ne s'était jamais vraiment rendue compte de la taille gigantesque de cette ville, jusqu'à maintenant... Sa demeure familial aurait presque pu y entrer, château et terre comprise...

Ashal releva la tête (la vision est limité avec une visière de ce genre...) afin de regarder les gens aux alentours. Un cavalier passait à côté de lui. L'homme était étrange... Presque cadavérique. Ashal eu un frisson. Hormis son air...étrange disont, l'homme était vêtu comme un noble. Ashal le regarda un moment étonné par cette homme. Il n'était pas comme les autres, et quelque chose en lui était inquiétant, à moins que son visage sans expressions soit la cause de cela...

Néanmoins cet homme inspirait de la curiosité à Ashal, ainsi qu'un peu de méfiance... L'homme était déjà hors de vue. Ashal regarda son cheval, puis l'endroit où l'homme avait disparu dans la foule.

Ashal monta sur son destrier et aperçu de nouveau l'homme, grâce à la hauteur qu'il avait ainsi pris. Ashal talonna doucement son cheval qui s'engagea dans la foule, percuttant des gens dès qu'il le pouvait. Ashal répondait à cela par des frappes sur la tête du canasson. Ashal s'approcha de l'oreille de son cheval et parla :

- Cela suffit Jaef ! Je te somme d'arrêter immédiatement cela !

Le cheval se stoppa, prenant plaisir à mécontenter son maître.

- Jaef, reprend ta route, ou bien tu seras privé d'avoine ce soir.

Le cheval repris sa route, écoeuré devant la bassesse de son maître. Ashal soupira en souriant.

Ta gourmandise te perdra Jaef. Mais sûrement moins que ton envie de n'en faire qu'à ta tête... Allez, accellere, nous devons rattraper cet homme.

Le cheval pressa le pas comme demandé. Ils se rapprochaient effectivemment de l'homme à cheval. Ashal ne savait pas vraiment pourquoi il faisait cela, mais il avait envie d'en connaître un peu plus sur cet homme, ne serait ce que son nom.
Arrivé à sa gauche, Ashal l'observa distraitement tout en lui adressant la parole, sur un ton désintéressé, utilisé pour faire la conversation avec un inconnu. Bref Ashal ne voulait pas avoir l'air encombrant, impoli ou indiscret.

- Belle journée n'est ce pas ? Je viens d'arriver récemment à Askant, mais je dois repartir pour des raison d'ordre moral, sans avoir pu la visiter comme j'aurais aimé. Pouriez vous m'en dire plus sur cette ville ? Si, évidemment, vous n'êtes pas comme moi un voyageur arrivé il y a à peine quelques jours.

Ashal se tut, attendant sa réponse.

Armand avait quelque peine à contenir Vael, qui aurait aimé pouvoir partir au galop. Mais l’e jeune homme était bon cavalier, et il canalisait facilement l’énergie de sa monture, qui, même sans mors, était tellement sur la main que son menton touchait son poitrail. Après une énième ruade, Armand réprimanda sévèrement son cheval :

- Vrael, voyons ! Il y a du monde, et je ne voudrais pas que tu tues quelqu’un…Ce n’est pas le temps de nous attirer des ennuis…

Peut-être était-ce à cause d’un très vieux sang synovar qui coulait dans les veines d’Armand, ou bien à cause de la confiance incroyable entre lui et sa monture, mais il s’était établi un lieu télépathique entre eux.

- Bien sûr, mais…Je sais pas…C’est étrange. J’ai l’impression qu’on nous suit…

- Vraiment ?

- Oui…

Ils continuèrent le chemin en silence. Et il s’averra que Vrael avait raison. Un homme vint bientôt à leur gauche et lui parla. Le jeune homme tourna ses yeux vides vers l’inconnu. C’était un chevalier, apparemment, ou quelque chose dans le genre…

- Effectivement, belle journée. Je peux vous en dire plus sur cette ville, sans doute, même si je viens à peine d’arriver. Ou bien plutôt de revenir, il y a à peine quelques heures. Si vous voulez en savoir plus, suivez moi, je vous emmène dans ma demeure, où il y a plein de livres sur Askant…

Talonnant Vrael, il fit un demi tour et partit au galop, faisant cette fois fi des passants qui s’écartaient. Il jeta juste un œil en arrière pour voir si l’inconnu le suivait, ce qui était le cas. Un peu plus tard, ils arrivèrent vers l’immense bâtisse. Encore une fois, il regarda avec un peu de fierté sa demeure. Il avait eu raison de vouloir revenir.

- Il y a une écurie juste là, vous pouvez y laisser votre cheval.

Il descendit de Vrael et lui dit :

- Vas aussi dans l’écurie, accompagner la monture de notre invité. (à l’adresse d’Ashal: )Veuillez me suivre s’il vous plait.

Ils entrèrent. Armand dirigea son invité dans la bibliothèque. C’était une pièce très vase, circulaire, où les murs n’étaient presque pas visibles, cachée par des bibliothèques remplies de livres. Il pria l’inconnu de s’asseoir sur un des deux fauteuils qui trônaient au milieu de la pièce, séparés par une table basse où quelques livres poussiéreux demeuraient depuis quelques années. Tout en se dirigeant vers un des nombreux rayons de livres, il demanda :

- Voulez- vous à boire ? De l’absinthe ? Une cervoise ? Du vin ? Dites ce que vous voulez, je ne suis que votre humble serviteur en ma demeure.

Enfin, il trouva l’ouvrage qu’il cherché. C’était un gros livre, avec une reliure en cuir noir. Sur la couverture s’étalait sobrement en lettres d’or : Askant. Il le prit et dirigea vers une armoire vitrés, où des fioles contenant des liquides colorés trônaient. C’était un régal pour les yeux. Certains bocaux contenaient des choses plus étranges, telles des salamandre, ou ce qui ressemblait à des yeux. Mais les alcools laissaient rêveurs quand à leur goût. Leur coloris étaient appétissants, bleu, rose, rouge vif (notamment dans une fiole, le liquide semblait particulièrement épais, ce qui laissait penser que c’était du sang), vert, violet,…Il ouvrit la porte vitrée et prit une grande bouteille de cristal où se trouvait un liquide vert brillant. De l’absinthe. Il prit deux coupes et les posa sur la table, puis retourna chercher de la cervoise, boisson commandée par son invité. Il s’assit et ouvrit le livre.

- Il y a tout sur Askant. Que voulez-vous savoir ? Et puis-je me permettre de vous poser une question indiscrète ? Pourrais-je savoir qui vous êtes ? Mais avant, permettez moi que je me présente. Armand de Lioncourt. Je viens de revenir ici après quatre en de vagabondage suite à la mort de ma mère, Pandora de Lioncourt.

Il servit l’inconnu et se servit aussi lui même, buvant l’absinthe avec délice. Il se souvint quand sa mère, en ce lieu même, lui en donnait parfois, mettant un doigt sur ses lèvres, intimant un silence sur ça. Un enfant n’était pas sensé boire ce genre de choses ! Mais Pandora ne faisait pas de cas de tout ce qui était habituel, les principes. Ainsi, alors que les dames comme elle devaient monter en Amazone, elle ne se gênait pas de monter comme un homme. Les dames devaient être raisonnable question alcool, et elle, elle vidait des bouteilles d’absinthe comme si c’était de l’eau. Il souriait d’un air légèrement absent, se plongeant dans de vieux souvenirs. Sourire n’était pas le bon mot. C’était en fait un sourire, mais qui ne semblait pas vrai. Comme peint. Car son visage était toujours aussi impassible, vide. Oui. Vide. Rien était lui. Il était creux de sentiments. Mais ce n’avait pas toujours été comme ça…Il secoua légèrement la tête, sourcils froncés. Il n’arrêtait pas de penser à Pandora, et ça durait depuis sa naissance…Il aurait aimé que cela cesse…

Ashal Amderran…Ainsi, c’était le nom de l’invité. Amderran…Mais oui ! Il se souvenait. Pandora, encore et toujours elle, lui en avait parlé. Elle lui avait tout raconté, depuis le début de la famille Lioncourt, le tout début.

- Amderran ! Oui, j’ai déjà entendu parler de cette triste histoire. Et il est en effet dommage que les bonnes relations de nos deux familles aient été ternies à cause d’une petite histoire. Mais il n’est jamais trop tard pour rétablir les erreurs, n’est-ce pas ?

Armand tourna avec précaution les pages du livre. Il arriva au chapitre qui parlait de la cathédrale. Il lut quelques instant rapidement, survolant le texte. Puis il releva les yeux vers son noble interlocuteur.

- Alors, cette histoire de cathédrale…Elle a des siècles, personne ne sait exactement combien. Elle a été érigée en l’honneur de la déesse des humains. C’est la plus grande cathédrale de Caar. C’est tout ce qu’il y a d’intéressant…

Mais il continua à expliquer quelques petits détails. Quand il eut finit, il ferma le livre. Il eut un moment d’absence…ça lui arrivait souvent, depuis qu’il avait basculé l’interrupteur sur ni chaud ni froid…En effet. Il était plus qu’un bloque de marbre vivant. Il avait voulu rebasculer le bouton, mais c’était plus compliqué dans ce sens…Et là, il essayait de se reconstruire peu à peu. Mais ça allait être dur. Avec cette sorte de malédiction…Qui faisait qu’il ne sentait pas la douleur. Qu’il ne ressentait rien tout court en fait…La tristesse, douleur, légère euphorie dues à la mort de Pandora avaient été ses dernières légères impressions. Son peu d’humanité s’était évanouie en même temps que la mort de sa mère…Presque. Le peu de souffrance qu’il avait éprouvé lui était insupportable. Il s’était donc arraché le cœur. Mais ce n’eut pas vraiment de succès. Il tua alors le peu de sentiments, en basculant cet interrupteur. Et maintenant, il se dit que ce n’était pas bien, qu’il devait changer. Il n’éprouvait certes pas de remords, mais c’était une intuition. Mais il n’était pas près de ressembler à nouveau à un humain…Mais…Qui sait si ce Ashal Amderran ne serai pas une aide dans son projet humanitaire ? Ainsi, il eut une idée. Et de la voix la plus respectueuse et la plus sérieuse et grave, il dit :

- Pardonnez ma curiosité, mais j’aimerais savoir ce que vous faites ici, si ma question n’est bien sûre pas trop indiscrète… Et aussi, pourquoi votre écuyer n’est pas avec vous ? Encore, je suis désolé de prendre de telle liberté en vous posant ces questions, et si cela vous incommode, dites-le. Je ne veux vous importuner…

Il inclina courtoisement la tête, et leva son verre avant de le vider, léger sourire absent, vide, aux lèvres. Son esprit retourna vagabonder ailleurs. Quelques images du passé lui revinrent. Abonné Absent, encore. Comme ces gens qu’on croise dans les asiles, ces fous, qui ont l’air de ne plus être là. Il revint depuis le début de son histoire. Premièrement, ce ne fut que du noir. Atmosphère feutrée. Il sentait qu’il bougeait, qu’il se faisait trimbaler. Il avait le hoquet. Il était dans le ventre de sa mère. Elle se levait. Elle prenait une dague et tuait son mari. Elle se rendait à la milice. Elle accouchait un mois plus tard, dans un cachot. Il se souvint de sa voix si émerveillée, fiévreuse, passionnée. Elle n’arrêtait pas de le répéter, complètement en transe. Quelques heures plus tard, elle se pendait dans la cellule. Image floue d’un corps gracile, presque encore enfantin, se balançant au bout d’une corde formée avec les draps…On le prenait, le tournait en tout sens, le frappait légèrement. Il ne bougeait pas. Il n’avait pas de réactions. On le prit pour mort. On lui grava son nom dans le dos. Qui, en grandissant, resta sur l’omoplate. On le jeta aux ordures. On n’allait pas s’encombrer de creuser une tombe pour un cadavre d’un bébé bâtard, né sous d’aussi affreuses auspices. Il se souvenait de l’odeur fétide des ordures. Senteur infecte surmontée par d’un parfum qui, bien trop utilisé, empestait. On le prenait. Des mains rêches et ridées, ornées d’énormes et infâmes bagues. Eloris de Lioncourt, vielle dame gâteuse et infernale, le prenait à présent sous son aile. Quelque heures plus tard, elle fut tuée. Assassinat commandité par sa petite fille. Pandora. L’assassin ne le tua pas, et ainsi, il fut confié à la jeune femme. Coup de foudre. Fin des abonnés absents. Armand cligna des yeux, l’air légèrement surpris. Il ne savait pas qu’on pouvait se souvenir de tout ça, depuis le tout début de sa vie…

Armand hocha légèrement la tête, regardant dans les yeux son invité. Il ne répondit pas tout de suite. Il ne voulait rien brusquer. Mais d’un autre coté…Il valait mieux qu’il soit direct, il lui semblait.

- Hé bien…

Hé bien quoi ? Il ne savait que dire. Il resta un moment silencieux, réfléchissant. Que dire, oui ? Fallait-il demander ça ? Ou allait-il…regretter ? non, pas regretter. Il était incapable. Mais…Peut-être qu’il allait encore avoir cette intuition, qui lui disait qu’il a mal fait…Bah, de toute façon, qui ne tente rien n’a rien !

- Il se trouve que je cherche à vivre réellement. Je ne veux plus voyager partout, seul et sans but. Et rester à Askant m’est impossible, surtout dans cette demeure qui m’est trop chère, trop pleine de souvenirs…Je cherche un but à mon existence. Je sais que j’ai fait du mal. Et je veux recommencer une nouvelle vie. Vous pouvez m’aidez, j’en suis persuadé. Laissez moi être votre écuyer. Je vous serez dévoué et je ne rechignerai jamais à la moindre tache. Je serais à vos coté quoi qu’il arrive. Dans les batailles comme dans les enterrements, dans vos heures de gloires comme dans votre déchéance, si tant soit peu qu’il y en aie une ! Je vous serais sans doute plus utile que n’importe qui ! En effet, je ne connais aucune douleur physique ou morale.

Sa voix s’était légèrement élevée, son souffle s’était accéléré, fiévreux. Il s’était levé et il arpentait la pièce de long en large, comme un lion en cage. Il continua un long moment. C’était une très longue tirade au terme de laquelle il s’assit à nouveau, le souffle court, la tête rejeté en arrière, regardant le plafond. Il rabaissa la tête et regarda à nouveau son invité dans les yeux.

- Excusez-moi… Je me suis emporté…

Il prit un regard inquiet, suppliant. Puis, le vide. Abonné absent. Nouveau songe. Plus près.

Armand attendait dans le bar où il savait que quelqu’un viendrait le contacter. C’est ce qui arriva. Un homme arriva et lui dit qu’il avait un contrat. Il devait tuer une femme. Il lui donna déjà l’argent, et il n’était pas obligé de revenir avec une preuve de la mort de la victime. Il lui faisait confiance, apparemment. Ainsi, Armand accepta. L’homme lui montra un portrait. Le jeune homme eut un choc. Il avait déjà vu ce visage. Il le voyait tout les jours. Pandora ! Il devait tuer sa mère. Armand ne pouvait pas refuser…Il rentrait chez lui, tremblant. Il monta les escaliers si connus. Oh, cette marche là qui craquait ! Que ce son lui semblait lointain ! Ce couloir, tellement familier !La fissure là…Le lustre au dessus du plafond…Les tableaux…Tout lui semblait iréel. Comme si le décor défilait tout seul. Il entra dans la chambre de Pandora :

- tu es déjà revenu, Armand ? Tu as fait vite aujourd’hui…

Il ne dit rien, se contentant de la regarder avec une intensité incroyable. Elle comprit. Elle gémit, s’assit sur son lit. Elle pleura, juste quelques larmes. Elle laissa échapper un nouveau gémissement et enfoui sa tête dans se mains, d’une voix torturée :

- Armand ! Oh Armand !Pourquoi ?!

Elle se reprit dignement, et se releva. Elle reprit sa respiration en fermant les yeux. Elle se dirigea vers son fils et prit son visage entre ses mains.

- Mon enfant. Accomplis ce que tu as à faire. Je ne ferais rien pour t’en empêcher, je serais une morte civilisée. Mais fais-le ! Pitié ! Armand ! Tu pleure ! oh mon fils ! Non ! Non, ne pleure pas. Ne pleure pas pour ça, pleure pour ce qui en vaut vraiment la peine. Je suis honorée que tes premières larmes soient pour moi. Tu deviens de plus en plus humain, je suis fière de toi. Oh, tu vois ! Sèche tes larmes ! tu me fais pleurer ! S’il te plait…Tu es quelqu’un de bien. Tu es un assassin, peut-être. Mais ça ne change rien, rien du tout…Allez Armand…S’il te plait…Vas-y…

Elle alla étreindre le jeune homme, puis elle s’éloigna légèrement rejetant la tête en arrière. Mais il ne fit rien, restant tétanisé, tremblant. Alors, doucement, elle guida les mains d’Armand sur sa gorge. Et, mécaniquement, il serra. Un peu plus tard, le corps léger de Pandora gisait dans ses bras. Il serra le cadavre contre lui, puis l’allongea sur le lit. Il resta assis à coté du corps de sa mère, caressant doucement le visage si magnifique…Puis, il se leva et s’en alla. Il revint quelques heures plus tard. La servante avait découvert le corps. Personne ne se doutait que c’était lui…

Fin des abonnés absents. Armand prit sa tête dans ses mains et soupira. Il releva le visage vers son interlocuteur.

- Désolé. Excusez moi, ça m’arrive de plus en plus souvent…

Oui, vraiment, il fallait qu’il change de vie. Revenir ici n’était pas vraiment bon pour lui…

Armand fut soulagé. C’était bien. Très bien même…Oui, enfin, il était engagé en tant qu'écuyer. ça allait être une bonne expérience.

- Vous avez fait le bon choix, merci…

Il leva son verre, comme pour trinquer en l’honneur de son invité, puis il finit l’absinthe d’un trait. Apparemment, son nouvel, disons, employeur semblait curieux. Bien !

- Je ne sais pas comment expliquer…C’est compliqué. En fait, je ne ressent rien. Rien du tout. Ni la joie, ni la colère, ni la peur, ni la tristesse. Mais il y eut quand même quelques années ou je fut, disons, presque normal. Grâce à ma chère mère. Lors de sa mort, j’éprouvai une douleur. Infime par rapport à ce que vous pouvez ressentir, mais pour moi, c’était insupportable. Je m’arracha le cœur. Mais ce ne fut guère probant. Je tua donc mes sens. Je fut alors complètement coupé de toutes sensations, comme était ma vraie nature. Et question physique et bien…

Il remonta sa manche droite, dévoilant une brûlure des plus impressionnantes.

- Là par exemple, je me suis brûlé en mettant mon bras dans le feu. J’ai du rester pas mal d’instants comme ça, jusqu’à ce que ma mère arrive et vienne, paniquée, m’enlever de cette situation. Je n’avais rien senti. Si elle n’était pas intervenue, je n’aurais sûrement plus de bras droit. Un des seuls avantages est que si je meure, ce sera sans douleur.

Il rabaissa sa manche, le regard absent, l’air mélancolique. Il se resservi un verre d’absinthe. La fée verte comme certaines personne la nomment. Un surnom qui sied très bien a cet alcool. Alcool n’ayant pas bonne réputation tout de même…Mais il s’en fichait éperdument. Il appréciait cette boisson. Jamais il n’avait été ivre. Il pouvait consommer toute l’absinthe du monde, il restait pareil. Armand finit son verre rapidement. En voulant reposer la bouteille à l’autre bout de la table, son bras passa accidentellement à travers la flamme de la bougie. Il ne s’en aperçut pas, mais une marque rouge était apparue, parsemée même de petites cloques. Il se redressa et s’adossa encore mieux dans le fauteuil, la tête rejetée en arrière, observant encore le plafond. Puis, il regarda à nouveau le chevalier. Il dit encore :

- Je suis vraiment content. Enfin, si j’éprouvais encore de sentiments, je serais heureux que vous ayez accepté que je sois votre écuyer, mais là, je n’éprouve qu’un léger contentement, une faible satisfaction. Et encore, ce sont là que de grands mots. Merci encore, car ma situations me désespère au plus haut point et je suis sure que vous pourrez m’aider autant que moi je vous serais utile… J’espère sincèrement que le chemin que l’on fera ensemble sera des plus agréables…

Armand se tu, décidé à ne plus parler autant. C’était épuisant. Il n’avait plus l’habitude de bavarder autant. Il n’était pas rodé pour discuter pendant des heures. Voulant reprendre son verre, il le fit accidentellement tomber. Malgré le tapis mou, le récipient bien trop fragile se brisa. En voulant ramasser les débris, il se coupa la paume, mais encore il ne s’en aperçu pas. Il prit les débris et les posa sur la table. Les tessons étaient maculés de sang, mais Armand était trop distrait pour s’occuper de détails aussi insignifiant. Bientôt, tout ce qu’il toucha avec sa main gauche fut maculé de sang. La blessure était profonde, et aurait du être douloureuse.

Armand regarda sa main d’un air distrait. La blessure était profonde du sang en coulait. Il porta sa main à sa bouche, léchant l’hémoglobine d’un aie absent. Il dit simplement :

- Ah…Oh…Oui…Merci…

Il reprit la bouteille d’absinthe, sortit un mouchoir de sa poche et l’imbiba d’alcool. Il posa le bout de tissus sur la plaie. Pour désinfecter. Puis, il se leva et alla chercher une bande qu’ il enroula autour de sa main. Le tissus blanc se teinta immédiatement de rouge. Armand regarda la couleur vermeille s’étendre puis il releva les yeux vers son interlocuteur.

- Nous pouvons partir tout de suite, je n’ai aucune affaire à reprendre ici. Tout est encore dans les sacoches de la selle de mon cheval. En parlant de monture, l’homme dont vous parlez en possède-t-il une ?

Armand se leva, sourit brièvement et sortit. Il alla d’abord dans l’écurie, où il harnacha Vrael. Il se dit que quand il reviendra ici, il faudra qu’il passe chez Saren et le remercie de s’être occupé de tout ses chevaux. En effet, quand Armand avait quitté Askant, il avait refusé de revendre les chevaux. Il avait alors engagé quelqu’un pour s’occuper de toutes les montures, une vingtaine en tout. Evidemment, l’homme avait été grassement payé, assurant ainsi de prodiguer les meilleurs soins aux chevaux. Puis, Armand se dirigea vers la crypte et ouvrit la porte. Il se alla bien sûr vers sa mère, immédiatement. Il murmura doucement :

- Pandora, mère…Je suis désolé de vous laissez si vite, alors que je viens à peine de revenir. Mais je reviendrais, tôt ou tard…Si vous saviez comme vous me manquez !Mais je ne devrais pas me languir de la sorte…Après tout, tout n’est que de ma faute…Je me demande comme j’ai pu vous étrangler ?! Si j’avais refusé, nous aurions toujours pu fuir ailleurs…Ah…je regrette tellement…Mais bon, je me console en me disant que vous ayez eu la plus belle mort qui soit. Jamais ne l’on vit plus belle étranglée. Votre cou si fin, s’accordant parfaitement à mes mains…Etrangler est la plus belle preuve d’amour qui soit, mais ce n’est que mon avis…

Il laissa échapper un soupir las.

- Non, effectivemment il n'a pas de monture. Mais il n'en a pas besoin, même nous à cheval et lui à pied, il ira plus vite que nous...

Ashal se leva, avant de reprendre la parole.

Bon, je vais chercher Jaef, je vous attend devant l'écurie.

Il receintura son épée, pris son casque, l'enfila et parti en direction de l'écurie. Il refit donc le chemin en sens inverse, jusqu'à l'écurie. Ashal parcourut les box à la recherche de son cheval, il le trouva enfin, le fit sortir et le sella. Il n'avait pas besoin de s'en occuper plus que cela, le palefrenier y avait veillé.

- Désolé mon brave, mais nous ne restons pas, tu te reposeras plus tard. Oui je sais, tu n'as pas besoin de te reposer, tu es le cheval le plus endurant d'Askant. Voilà ton ego démesuré est-il satisfait ?

Jaef roula des yeux, satisfait, Ashal soupira, tout en ayant le sourire. Il guida ensuite Jaef à l'extérieur de l'écurie, et attendit Armand aux côtés de son cheval. Celui ci lui mettait des coups de flanc de temps en temps, Ashal répliquait par une frappe du plat de la main.

- Tu es pénible Jaef, arrete. J'imagine que tu le sais de toute manière... Et que tu fais cela uniquement pour embêter ton monde... Mais pourquoi est-ce moi qui est obtenu le seul cheval au caractère insuportable... Ha, notre attente va bientôt se terminer, voici Armand.

Et bien Armand ? Êtes vous prêt ?

Armand n’avais pas très bien comprit ce que le chevalier disait au sujet de l’homme inconnu…Il irait plus vite à pied qu’à cheval ? Etrange…Il y réfléchit tout en sortant de la crypte. Heureusement, Ashal l’avait attendu dehors. Ah, s’il l’avait entendu…S’il avait entendu qu’il avait étranglé sa mère ! ça aurait fait mauvais genre…Le jeune homme arriva près du chevalier. Il regarda la monture. Elle semblait avoir un caractère des plus compliqué !

- Oui je suis prêt !

Vrael arriva derrière Armand, lui donnant un coup de tête. Le jeune homme lui caressa doucement le chanfrein, remettant la crinière blanche en place. Il regarda encore le cheval d’Ashal.

- Vous avez là une bien belle monture !

Mais le cheval d’Armand n’apprécia que moyennement ce compliment envers un autre équidé. Il coucha les oreilles, ses yeux bleus se voilant légèrement. Il secoua la tête, se cabra, fit demi tour et partit au grand galop. Armant, qui tenait les rênes, fut légèrement prit de court. Il courut quelques foulée à coté de son cheval, puis il s’appuya sur le garrot avec la main gauche et sauta. Il atterrit sur la selle, prenant les rênes, il arrêta son cheval en riant (même si son rire avait une consonance vide) .

- Vrael ! Jaloux va…

Ledit jaloux lança une ruade de protestation. Jaloux ? Lui ?! Nan mais c’était n’importe quoi ! Armand soupira avec lassitude.

*Vrael, tu veux vraiment te faire remarquer devant des inconnus c’est ça ?*

*Pas du tout ! C’est de ta faute d’abord…*

*MA faute ? *

*Parfaitement !*

*Gamin… *

*Toi mêmeuuuu.*

Petit élan de gaminerie entre deux grands gamins, tout ça par discutions mentale. Si c’est pas beau la vie…

- Jaef à beau être un beau cheval, son caractère est insupportable. Enfin bon, on le lui pardonne aisement, c'est le meilleur cheval qu'il m'ai été donné de voir de ma vie. Cela ne l'empêche pas d'être insupportable...

N'est ce pas Jaef ? Ne te monte pas la tête parce que j'ai dit cela...

Jaef répliqua d'un hennissement satisfait. Ashal regarda le cheval d'Armand s'emballer, visiblement celui là aussi n'aimait pas que son maître fasse des compliments à un autre cheval... Sa promettait... A croire que c'était le cheval qui possédait le maître...
Ashal monta en selle pendant qu'Armand maitrisait Vrael.

- Allons y Armand, nous sommes attendu.

Ashal donna un léger coup de talon dans les flancs de Jaef et celui ci se mit en marche.

- Nous sortons de la ville par la porte ouest, je vous dirais où nous allons après. Vous n'avez qu'à me suivre pour le moment.

/hrp/Je propose de répondre directement à la suite d'Exkiron, il ne se passera rien d'autre d'intéressant ^^/hrp/

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